Les gaz renouvelables attendent les appels à projets

22 01 2024
Caroline Kim-Morange
Stéphane Gruffat
À Fos-sur-Mer, Jupiter 1000 est le premier démonstrateur de taille industrielle de la technologie power-to-gas en France. Après avoir converti de l’électricité renouvelable en hydrogène, il a débuté la production de e-méthane en 2022.

Les secteurs du power-to-gas, de la pyrogazéification et de la gazéification hydrothermale s’efforcent peu à peu de faire leurs preuves en France. La filière pyrolyse et gazéification, la plus en avance, hésite entre émulation et inquiétude en attendant l’imminente publication des premiers appels à projets la concernant.

Le 19 décembre 2023, les clubs Power-to-gas et Pyrogazéification de l’Association technique énergie et environnement (ATEE) ont organisé, en collaboration avec le groupe de travail Gazéification hydrothermale, une journée d’étude sur l’état des secteurs des gaz renouvelables et bas carbone.

Le bilan est mitigé : les diverses filières attendent encore beaucoup de soutien public pour se développer alors que les services étatiques ont de leur côté toujours des arbitrages à effectuer. Quelques installations de pyrolyse et gazéification sont à l’œuvre depuis plusieurs années dans l’Hexagone. Cette filière a aussi bénéficié d’un premier appel à manifestation (AMI) en 2022 afin de recenser les projets pour injection et son modèle économique. Cet AMI, porté par GRTgaz, est piloté par le comité stratégique de filière Nouveaux systèmes énergétiques (CSF NSE).

Deux appels à projets (AAP) concernent également cette technologie. L’AAP « Décarbonation de l’industrie », dont la date de relève est fixée au 7 mars 2024, est ouvert pour une valorisation directe chez l’industriel du gaz de synthèse produit par pyrolyse ou gazéification. Le second vient tout juste de sortir et est dédié aux projets prévoyant une injection de biométhane dans les réseaux. Il génère des espoirs mais aussi des craintes. Ainsi, lors de la journée, David Marchal, directeur exécutif adjoint expertises et programmes de l’Ademe, a souligné « qu’à ce stade, l’un des critères d’acceptation des projets est l’utilisation de bois B ». Ce dernier est un bois traité (colles, vernis, peintures) non dangereux.

Limiter au bois B ?

Or selon Chourouk Nait Saidi, déléguée générale du Club Pyrogazéification de l’ATEE, « il faudrait plutôt commencer les expérimentations de la filière par le plus simple, donc une biomasse propre comme les résidus d’agriculture non méthanisables ou des ressources forestières non valorisées. Plusieurs projets industriels se sont construits autour de ces ressources. Il ne faut pas rendre ceux-ci impossibles et annuler la dynamique de lancement de la filière ». Ainsi, « la restriction de l’AAP au bois B contrarie notre projet développé sur le territoire de la Métropole de Limoges », s’alarme Stéphane Guillet, directeur Nouveaux vecteurs énergétiques chez Idex.

En l’occurrence, l’inquiétude de l’Ademe porte sur le bouclage de la biomasse : les diverses technologies de valorisation se feraient concurrence et la matière première pourrait venir à manquer. « C’est un sujet qui monte », souligne David Marchal, notamment dans la stratégie nationale bas carbone 3 (SNBC 3), qui devrait être publiée sous peu. De son côté, Chourouk Nait Saidi relativise cette préoccupation : « les filières sont plutôt complémentaires sur la mobilisation de la biomasse, par exemple la pyrogazéification valorise de la biomasse sèche. Le problème de bouclage de la biomasse est prononcé à partir de 2030/2035 notamment sur les gisements de biomasse forestière. D’ici là, les filières peuvent être expérimentées. Et pour éviter les tensions et garantir la disponibilité des ressources, chaque projet a l’obligation de présenter un plan d’approvisionnement ».

Le power-to-gas encore expérimental

De son côté, le power-to-gas (P2G) compte déjà en France une quinzaine de projets autorisés à injecter dans les réseaux, de manière dérogatoire, le méthane (CH4) renouvelable ou bas carbone qu’ils produisent. Cette technologie nécessite encore aujourd’hui un soutien financier pour passer à une échelle industrielle et devenir compétitive. La Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) « pense qu’il est plus intéressant d’utiliser directement la molécule d’hydrogène (H2) produite par électrolyse », souligne toutefois Alexandre Chevallier, qui y est sous-directeur de la sécurité d’approvisionnement et des nouveaux produits énergétiques.

L’État refuse donc pour l’instant de mettre en place des tarifs d’achat préférentiels pour le CH4 issu du P2G. En revanche, « d’après la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables du 10 mars 2023, sous certaines conditions, le CH4 produit par la technologie P2G devrait bénéficier du statut de gaz bas carbone. Toutefois, il manque encore le décret d’application fixant le seuil d’émission de CO2 et les modalités de calcul », a indiqué Malika Madoui-Barmasse, déléguée générale du Club Power-to-gas de l’ATEE.

Des mécanismes, comme des appels à projets étatiques, favorisant les expérimentations sur le temps long sont également absents. « L’Ademe a exploré la technologie P2G notamment afin de favoriser l’adéquation du système électrique et d’absorber le surplus de production. Néanmoins, pour parvenir à cette adéquation, RTE a plutôt exploré l’option de la production et du stockage de H2. L’arbitrage n’a pas encore été fait », a expliqué de son côté David Marchal.

Un AMI pour l’hydrothermale ?

Enfin, la gazéification hydrothermale (GH) table sur le lancement de ses premiers pilotes et démonstrateurs industriels hexagonaux d’ici fin 2024. « Un AMI propre à la GH devrait voir le jour au premier semestre 2024, suivi d’un AAP peut-être avant la fin de 2024 », espère Robert Muhlke, pilote du Groupe de travail GH et responsable gazéification hydrothermale chez GRTgaz.

Les acteurs du groupe de travail estiment que les volumes injectés de gaz dans les réseaux avoisineront les 2 TWh/an d’ici 2035. À noter qu’ « aux Pays-Bas, la filière GH devrait assurer quelque 55 % de la production de gaz renouvelable et bas carbone du pays à horizon 2030 », selon Robert Muhlke, de ce fait confiant dans cette technologie. En France, l’Ademe serait quant à elle « prudente en raison de l’enjeu du bouclage biomasse », a exposé David Marchal. Plus généralement, il a résumé la position de l’Agence avec ces mots : « dans nos projections, nous visons une production de 200 TWh de gaz renouvelables par an en 2050. L’invariant est que la moitié serait fournie par la méthanisation. Pour les trois autres technologies, nous sommes plus incertains ». 

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