Précarité : comment faire disparaître tout reste à charge ?
Tiko/Adobe StockLe Gouvernement vient d’annoncer la hausse de l’obligation de la 5e période des certificats d’économie d’énergie (CEE). Il veut ainsi relancer le marché des CEE et la dynamique des rénovations énergétiques. Toutefois, cela ne sera pas suffisant pour lutter réellement contre la précarité énergétique.
Il est possible de lutter contre la précarité énergétique en distribuant des chèques énergie. Mais un moyen bien plus efficace à long terme est d’engager les ménages à réaliser des travaux de rénovation énergétique de leurs logements. C’est le rôle des certificats d’économies d’énergie (CEE) fléchés vers les ménages en précarité énergétique. Pourtant, ces derniers mois, le système s’est grippé en raison d’un déséquilibre entre l’offre et la demande en CEE.
D’après Florence Lievyn, responsable Affaires publiques et programmes à Sonergia, cela s’explique d’un côté par la baisse des forfaits dans le cadre de la révision des fiches d’opération standardisées. D’un autre côté, cela vient du fait que « beaucoup d’obligés ont terminé la 4e période (2018-2021) avec des stocks de CEE, qu’ils ont reporté sur la 5e période ». Résultat, le cours des CEE a baissé de plus de 30 % en un an. Cela a entraîné la diminution du niveaux de primes accordées aux particuliers rénovant leurs logements, donc l’augmentation du reste à charge.
Hausse de l’obligation
Pour faire remonter les cours et relancer le dispositif, et notamment pour les précaires, le Gouvernement a décidé cet été de corriger le niveau de l’obligation de la 5e période. Elle est ainsi passée de 2 500 TWh cumac, dont 730 TWhc au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique, à 3 100 TWhc, dont 1 130 TWhc pour les précaires. Les « CEE précarité » représentent ainsi aujourd’hui plus de 36 % du total. « C’est nécessaire, mais pas suffisant », estime Florence Lievyn. « Et cela a tardé à arriver. Les conséquences sur le marché ne seront donc visibles que d’ici quelques mois », ajoute Guillaume Second, chargé de mission Transition écologique solidaire à la Fédération Soliha.
Par ailleurs, ces mesures resteront sans doute trop timides pour lutter réellement contre la précarité énergétique. En effet, pour les personnes les plus fragiles, tout reste à charge est déjà trop lourd à porter. D’autant plus qu’actuellement, les prix de l’énergie croissent alors que l’inflation est déjà importante. « Les ménages sont donc partagés entre “j’engage des travaux parce que mes factures sont trop élevées mais je ne suis pas certain d’avoir accès à tous les financements” et “tant pis, je reste dans ma passoire énergétique, et je me résigne à ne pas engager de travaux car je ne pourrais pas les financer” », analyse Guillaume Second.
Selon Florence Lievyn, face aux situations de précarité, « il faut distinguer le reste à charge et le reste à vivre. Le reste à charge, c’est ce qui reste à payer sur une facture de travaux de rénovation énergétique après déduction des différentes aides. Parfois, cela peut n’être que 1 000 euros. Mais si le reste à vivre, après avoir payé son loyer, son alimentation, son énergie, n’est que de 50 € par mois, ces 1 000 € paraissent énormes ! »
Financer à 100 %
C’est pourquoi, « idéalement, il faudrait que les plus précaires soient financés à 100 % pour leurs travaux de rénovation énergétique. Pour des raisons sociales mais aussi écologiques : nous devons atteindre la neutralité carbone de tous les logements français d’ici à 2050 », insiste Guillaume Second. Selon lui, une partie des CEE pourraient par exemple être dirigés vers l’Agence nationale de l’habitat (Anah), qui les redistribuerait.
Autre piste possible, créer des mécanismes de tiers-financement, à l’image de ce qui se fait déjà avec les contrats de performance énergétique (CPE). Un organisme avance les fonds pour mener le chantier, et il se rémunère chaque mois sur les économies réalisées grâce aux travaux. « France Stratégie devrait bientôt lancer un appel à programmes pour tester ces mécanismes », avance Florence Lievyn. Reste aussi à pouvoir identifier avec efficacité les ménages en précarité énergétique et qui ont besoin d’accompagnement – mais ceci est encore une autre affaire.