Bois-énergie : la filière compte ses troupes

08 12 2022
Caroline Kim-Morange
Fibois Hauts de France

Combien de personnes travaillent dans la filière bois-énergie ? Les chiffres sont contradictoires d’une publication à l’autre. L’association interprofessionnelle de la filière bois de la Région Hauts-de- France a lancé sa propre étude pour y voir plus clair sur son territoire.

6 500 équivalents temps plein (ETP) en 2018 : c’est le nombre d’emplois de la filière bois-énergie avancé dans l’étude de l’Ademe de 2019 « Marchés et emplois concourant à la transition énergétique dans le secteur des énergies renouvelables et de la récupération ». Plus optimiste, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) évalue à 22 000 emplois en France, « générés par la filière bois-énergie ». Quelle estimation est erronée ? Sans doute aucune des deux. Il est probable que chacune couvre un spectre de l’activité qui lui est propre, sans forcément le préciser. 

Ainsi, la notion d’emplois « générés » par la filière, utilisée par la PPE, est relativement obscure. Par ailleurs, les études englobent souvent le bois-énergie dans la notion de « biomasse solide », qui comprend aussi les ordures ménagères brûlées en incinérateur. Cela rend les calculs plus opaques.

Partir du bois consommé

Face à ce tableau un peu confus, Fibois Hauts-de-France a mené sa propre enquête pour mieux connaître la réalité de l’emploi dans la région. C’est un enjeu important : les Hauts-de-France sont la cinquième région consommatrice de bois de l’Hexagone, et presque la moitié de la production locale est destinée à la filière bois-énergie. Celle-ci assure jusqu’à 40 % de la production d’énergie renouvelables dans la région.
Les premiers résultats de son étude ont été présentés lors du colloque « Innovations pour renforcer l’efficacité du bois-énergie » organisé en octobre 2022 par le Comité Interprofessionnel du Bois Énergie (Cibe). La méthode suivie par ses auteurs est clair : « puisque le bois-énergie n’est pas souvent l’activité principale des entreprises – c’est plutôt une activité complémentaire – nous sommes partis des tonnages de bois consommés pour l’usage bois-énergie », indique Leigh Mitchell, chargé de mission pour Fibois Hauts-de-France. Ces chiffres ont pu être récupérés dans le « Panorama bois-énergie en Hauts-de-France » réalisé en 2019 notamment par Fibois. « Puis nous avons appliqué les ratios d’emploi donnés par l’Ademe. Ils indiquent le nombre d’ETP correspondant, en fonction de chaque type de combustible et de chaque activité, de la production à la consommation en passant par le transport, le broyage, etc. », poursuit Leigh Mitchell.

Bois-plaquette

À noter que, pour garantir des données lisibles, Fibois Hauts-de-France s’est focalisé sur le bois-plaquette. Il a traité le bois-bûche à part. En effet, même si la quantité de bois-bûche consommée dans les Hauts-de-France est à peu près connue, une part du marché est occupée par de l’autoproduction ou de la production informelle payée au noir. Le nombre d’emplois réellement concernés est donc relativement imprécis. L’étude publie des premiers chiffres sur ce secteur : « les consommations déclarées permettent de définir environ 1 400 ETP sur la filière bois-bûche en région ». Toutefois, elle n’inclut donc pas ces données dans l’analyse globale.
L’étude a aussi ignoré les emplois qui pourraient être induits par les chaudières individuelles à granulés installées dans la région, « car nos industriels ne produisent pas de granulés », explique Leigh Mitchell.

2 235 ETP

Au final, l’étude estime que la filière bois-énergie (qui se réduit donc au bois-plaquette) regroupe dans la région 2 235 ETP directs et indirects, soit 5 % des emplois identifiés dans la filière forêt bois par l’Insee en 2016. « Ce sont des emplois locaux, des compétences à l’échelle locale », insiste Leigh Mitchell.
54 % de ces emplois concernent la production de la matière, de l’exploitation forestière au transport jusqu’aux chaudières. 40 % sont liés aux activités de la construction des chaufferies et des réseaux de chaleur. « Les opérations de réseaux de chaleur et les chaufferies industrielles représentent à elles seules 82 % des emplois induits en Hauts-de- France. (…) Ces derniers contribuent à diversifier les activités originelles des entreprises (BTP, terrassement, etc.) », souligne Fibois. Le reste est composé de l’exploitation et de la maintenance des chaudières, chaufferies et réseaux de chaleur (5 %) mais aussi des études et de l’animation de la filière (1 %). À noter que la région ne comprend pas d’usine de production de chaudières.

À approfondir

D’après Leigh Mitchell, l’étude devrait être approfondie. « Nous ne sommes pas certains que tous les ratios de l’Ademe, définis à l’échelle nationale, sont adaptés à notre région. Par exemple en ce qui concerne les activités de production et de stockage du bois. Nous pensons donc à l’avenir interroger un panel d’entreprises représentatives de la filière en Hauts-de-France pour affiner les données ». Le cas du bois-bûche est lui aussi à creuser. Selon lui, cette étude est importante car « il faut que tous comprennent que la filière a du poids. Il faut aussi que nous connaissions la structuration de l’emploi pour définir les éventuels besoins de formation. D’autant plus que l’État fixe d’importants objectifs de croissance à la filière » pour atteindre les objectifs de la loi de transition énergétique pour la croissance verte adoptée en 2015.

Pas de code NAF/APE
« Il n’y a pas de code NAF ou APE correspondant à l’activité bois-énergie », indique Leigh Mitchell, chargé de mission bois énergie pour Fibois Hauts-de-France. C’est relativement logique, puisque cette activité est souvent complémentaire pour les entreprises. Or, les codes NAF ou APE sont choisis par chaque société en fonction de leur activité principale. Cela complique toutefois les études sur l’emploi comme celle menée par Fibois Hauts-de-France : impossible de se reposer uniquement sur le décompte des entreprises ayant un code NAF/APE défini.

Mots-clés associés

Un nouveau matériau pour surveiller les rejets de gaz radioactifs

24 02 2025
Olivier Mary

Des scientifiques ont mis au point un matériau qui permet de mesurer en temps réel et avec une excellente sensibilité des gaz radioactifs, tels que le tritium, le krypton 85 et le carbone 14. Le tout à des coûts maîtrisés.

Lire la suite

La SNBC et la PPE en concertation

18 02 2025
Olivier Mary

Les troisièmes éditions de la stratégie nationale bas carbone et de la programmation pluriannuelle de l’énergie sont en consultation. Avec le plan national d’adaptation au changement climatique, ces documents constituent la stratégie française pour l’énergie et le climat.

Lire la suite

Les premiers contrats CPB arrivent malgré quelques incertitudes

11 02 2025
Caroline Kim-Morange

Mi-2024 ont été publiés les textes donnant naissance au mécanisme de certificats de production de biogaz. La filière est en pleine ébullition : les producteurs et les fournisseurs négocient les premiers contrats, les acteurs convertissent certaines installations de cogénération ou en crééent de nouvelles. Le point sur les espoirs, les craintes et les propositions d’amélioration…

Lire la suite