Les Pays de la Loire très vulnérables au dérèglement climatique

Créé à l’initiative du Conseil régional des Pays de la Loire, le Groupe interdisciplinaire d’experts sur le changement climatique local vient de rendre son premier rapport sur les conséquences du dérèglement climatique dans la région. Températures, précipitations, sécheresse, hausse du niveau de la mer : tous ces indicateurs sont dans le rouge.
E n octobre 2020, la Région Pays de la Loire a lancé une étude approfondie et a créé un Groupe interdisciplinaire d’experts sur le changement climatique (Giec) local. Elle vient de rendre public son rapport*sur les conséquences du réchauffement climatique sur son territoire. La densité de son réseau hydrographique et sa façade maritime rendent cette région particulièrement exposée aux aléas météorologiques. Et, si rien n’est fait pour limiter les rejets de gaz à effet de serre, les conséquences bouleverseraient le quotidien des habitants avec des épisodes de canicules, sécheresses, inondations, et submersions marines plus fréquents.
Des températures en forte hausse
La conséquence la plus claire du dérèglement climatique dans la région sera l’augmentation des températures. Déjà, les relevés actuels font apparaître une élévation moyenne des températures d’environ 1,5 °C en soixante ans. Depuis 1980, on observe même une accélération du phénomène avec une élévation de la température moyenne de 0,37 °C tous les dix ans. Dans les trois prochaines décennies, l’élévation des températures restera peu sensible aux politiques d’atténuation. Dans le pire des scénarios, la hausse atteindra 2 °C à 2,5 °C en 2055. Avec une telle augmentation, Nantes et Angers afficheraient des températures annuelles moyennes équivalentes à celles de Biarritz sur la période 1976-2005. À plus long terme, les températures dépendront des réductions ou non d’émissions de gaz à effet de serre (GES). « Une réduction globale massive des émissions de GES pourrait, d’ici à 2100, ramener la hausse des températures ligériennes autour de 1 °C par rapport à la période 1976- 2005. Une politique de laissez-faire pourrait au contraire porter la hausse des températures de la région à 3,5 °C, voire à 4 °C », précise le rapport. Cette hausse moyenne des températures s’accompagnera de celle du nombre annuel de jours chauds, c’est-à-dire ceux dépassant les 25 °C. Une baisse brutale et rapide des émissions de GES permettrait d’en limiter le nombre entre 10 et 15 jours par rapport à la période de référence.
En revanche, l’absence de mesures de réduction ambitieuses amènerait la région à subir 30 jours chauds supplémentaires par an d’ici 2050 et même 55 jours avant la fin du siècle. Au total, la région pourrait alors compter 95 jours chauds à l’horizon 2100 au lieu de 45 jours dans un scénario de forte atténuation. Les jours de forte chaleur (plus de 35 °C) devraient aussi augmenter dans une région historiquement plutôt épargnée par ces phénomènes. De trois jours par an au milieu du siècle en moyenne, leur nombre pourrait atteindre dans le pire des scénarios une dizaine avant 2100. Les nuits très chaudes, dont la température ne descend pas en dessous de 20°C, pourraient aussi se multiplier. Encore exceptionnelles aujourd’hui, elles pourraient augmenter jusqu’à cinq nuits par an avant 2035. En l’absence de réduction importante des émissions, leur nombre progresserait jusqu’à dix nuits en 2055 et 30 à 40 à la fin du siècle.
Des conséquences variées
Un climat globalement bien plus chaud entraînera des conséquences sur la pluviométrie, même si celles- ci sont plus difficiles à prévoir. Les modèles dessinent tout de même quelques tendances. Vers la fi n du siècle, ils anticipent l’intensification des précipitations et leur augmentation durant l’été et l’inverse en hiver. Les prévisions sont plus précises concernant les ressources en eau. Le bassin versant de Loire devrait être particulièrement éprouvé : les scientifiques estiment qu’en 2070, sa superficie rétrécirait entre 25% et 30 %. Cela créera des tensions sur l’approvisionnement en eau potable, un problème renforcé par l’augmentation de la température de l’eau de la Loire. En effet, pour maintenir la qualité de l’eau potable, elle ne doit pas dépasser 25°C à la source. Depuis plusieurs années, ce seuil est régulièrement dépassé en été. « Dans les prochaines décennies, la température du fleuve pourrait même atteindre ponctuellement 30°C pendant les mois les plus chauds de l’année. S’ajoutera alors un second problème puisque les réseaux d’acheminement de l’eau potable sont conçus pour un débit minimum. S’il devient insuffisant, l’eau qui stagne dans les tuyaux soulève alors un enjeu d’insalubrité », alarment les scientifiques. « On pourrait observer dans la région une baisse globale des ressources en eau disponibles de 30 % à 60 % sur la même période, sans même compter la demande agricole supplémentaire prévisible ou celle liée à l’afflux touristique ».
Risque de sécheresse accru
Les épisodes de sécheresse devraient aussi redoubler. Ce phénomène est d’ailleurs déjà visible. La région compte actuellement environ 24 jours de sécheresse par an, au lieu de 17 jours en moyenne sur la période 1976-2005. À la fin du siècle, on approchera des 30 jours. Cela aggravera le risque d’incendie. Il progressera de 20 % à 30 % sur la côte atlantique, dans le scénario d’une hausse des températures de 2 °C. Si elle devait dépasser 4 °C, les risques de feux de forêt augmenteraient de plus de 40 % sur la majeure partie du territoire. Paradoxalement, les Pays de la Loire seront également exposés à un risque accru d’inondation et de submersion. De par sa topographie, la zone y est en effet très sensible. D’ici 2050, les dommages dus aux inondations par débordement progresseront de 50% en Mayenne par rapport à aujourd’hui. Le risque sera encore plus présent dans le Maine-et-Loire et la Sarthe où il progressera de 50 % à 75 %. Enfin, les départements littoraux de Vendée et Loire-Atlantique verront les risques d’inondations exploser de 100 % à 150 %. Quant aux inondations par ruissellement, elles devraient augmenter dans les mêmes proportions, et ce, partout dans la région.
* Giec des Pays de la Loire - 1er rapport - Juin 2022